L'ARMÉE D'AFRIQUE DANS LA GRANDE GUERRE

<= L'armée française de l'été 14


Avec la mobilisation de l'armée métropolitaine, les gouverneurs des colonies ont ordre d'envoyer les bataillons qui servent depuis plusieurs années dans le cadre de la pacification. Ils combattront souvent au corps à corps dans les premières batailles.

Or dés la fin de l'année 1914 le besoin de combattants se fait de plus en plus sentir, et on pense trés vite à recruter aux colonies, bien que la pacification ne soit pas complète dans de nombreux cas. Si certains militaires pensent qu'on ne peut employer les indigènes dans la guerre européenne, d'autres, comme le général Mangin, sont d'un avis contraire (cf. son livre La Force noire).

Outre les pertes des combats, il faut aussi récupérer du front des ouvriers qualifiés (affectés spéciaux) pour l'industrie qui doit s'adapter à une guerre longue et une hausse massive de la production d'armement. De plus l'ouverture des fronts secondaires (Dardanelles, Syrie, colonies allemandes) est elle aussi consommatrice de troupes. Ainsi les colonies vont elles enfin être considérées comme une base de large recrutement, et chaque année de nouveaux contingents coloniaux seront envoyés sur les différents théatres d'opérations en Europe.

L'acceptation d'un recrutement massif n'existe pas aux colonies, certains ne veulent pas partir se battre hors de leur pays, etc. D'où des problèmes de désertion, révoltes, etc. qui iront en croissant tout au long de la guerre, d'autant plus que la propagande allemande et turque était active. C'est au cours d'une de ces révoltes que le Pére De Foucauld sera assasiné par des Touaregs. 

La France comprend en outre difficilement qu'il faille maintenir des troupes aux colonies pour maintenir la pacification et l'économie, tandis que l'armée française doit se réformer pour accueillir ces nouveaux contingents différents de ceux de métropole. 

Au fur et à mesure des combats et des pertes, les unités indigène seront de plus en plus mélangées aux unités des français de métropole.


La situation de l'armée d'Afrique en août 1914: L'Algèrie forme le 19° corps, dont Alger est le siège. Le nombre de bataillons en Algérie a considérablement diminué pour être envoyés au Maroc. A Tunis, un autre officier général, au moins divisionnaire, parfois pourvu des rang et prérogative de commandement de corps d'armée, est à la tête de ce que l'on a appelé la "division d'occupation de Tunisie" : un bey est souverain de la Régence, le général français occupe le poste de ministre de la Guerre. A Rabat, le général Lyautey est à la fois commandant en chef des troupes du Maroc et commandant des troupes du Maroc occidental. Le général Baumgarten est commandant des troupes du Maroc oriental. 

On trouve en plus des bataillons d'infanterie coloniale ainsi que des bataillons de tirailleurs sénégalais. Lors de la mobilisation, il ne sera pas possible d'envoyer en métropole un corps d'armée constitué, essentiellement à cause de la pacification du Maroc, largement inachevée. 

C'est un grave inconvénient et il a fallu prévoir la mise sur pied de régiments "de marche", composés autant que possible de bataillons d'une même unité. Ces régiments seront dispatchés dans les différents corps d'armées de métropole. l'armée d'Afrique fournira pourtant des efforts conséquents, que ce soit pour les européens ou les indigènes.

Le recrutement de l'armée d'Afrique: L'armée d'Afrique est la première à être envoyée en métropole, avec les légionnaires, les zouaves (soldats souvent d'origine européenne dans ces deux cas), les tirailleurs algèriens et les spahis. En algèrie en effet le service militaire obligatoire a été institué par la République Française pour les indigènes en 1912, et durant la guerre ce seront 175.000 indigènes et 150.000 pieds-noirs qui seront mobilisés.

Embarquement d'un régiment de tirailleurs à Alger - le 10 août la totalité du 19° corps est transporté en métropole

Embarquement d'un régiment de tirailleurs à Alger

Tirailleurs marocains fraichement débarqués à Cette (Sète actuelle) et cantonnés non loin du casino

Tirailleurs marocains débarqués et cantonnée à Cette (Sète)

La division marocaine Ditte ainsi que la 45° division algèrienne Drude (comportant chasseurs d'Afrique, tirailleurs marocains et zouaves) sont intégrées à la 6° armée Maunoury début septembre 1914, et participeront à la bataille de la Marne.

L'envoi de troupes ne se fait pas sans inquiétudes. Au Maroc, Lyautey s'inquiète d'enlever des troupes: Si nous commençons à évacuer, nous sommes fichus, si nous lâchons la moindre partie du front, ce sera la boule de neige. Finalement les légionnaires allemands continueront la pacification (elle sera achevée en 1934) tandis que 50.000 indigènes seront envoyés en Europe. Le général Lyautey maintiendra ainsi le calme au Maroc, malgré des effectifs peu nombreux.

En Algèrie, dés la déclaration de guerre, deux croiseurs allemands, le Göben et le Breslau, bombardent Bône et Philippe-ville. Le gouverneur Lutaud craint des troubles, mais aucun soulèvement n'a lieu. On assiste au contraire à un concours généreux de toutes les classes sociales. De plus la neutralité de l'Italie est accueillie avec soulagement, car des troubles auraient été possibles en Afrique du nord en cas de guerre avec celle-ci. 

L'engagement volontaire se fait quand même sous pression, d'autant plus que le retour des blessés, en septembre 1914, choque les populations et conduit à des rébellions dans les douars, où les recruteurs sont accueillis avec les fusils. Les congés de convalescence au pays seront de ce fait obtenus plus difficilement. Les autorités ont quand même compris qu'il fallait étendre l'indemnité aux femmes indigènes, mères et épouses de militaires. 

Comme les troupes levées par la coloniale, des primes et promesses incitent à s'engager dans l'armée d'Afrique.

Ils se battront le plus souvent avec un grand courage. Ainsi, le régiment d'infanterie coloniale du maroc (RICM), créé en 1915, sera le plus décoré de l'armée française avec trois citations et la double fourragère aux couleurs de la croix de guerre. 


Organisation de l'armée d'Afrique durant la grande guerre: Il n'y a pas d'envoi de corps d'armée constituée, et des régiments de marche doivent être créés. 

On eut ainsi des régiments de marche de zouaves (RMZ), composés de bataillons venus d'Afrique du nord, de métropoles (où ils stationnaient) et de réserve. 

Zouaves durant la grande guerre:


La situation des régiments de tirailleurs est quant à elle extrêmement compliquée. On avait au départ neuf régiments de tirailleurs en Afrique du Nord, mais par le jeu des relèves, par celui des nouvelles formations, ils ont constamment changé de figure au cours des hostilités et, en 1918, lorsqu'il est fait un appel massif aux ressources en hommes de l'Afrique du Nord, de nouveaux régiments sont créés de toutes pièces, des unités de marche rejoignent ensuite les armées d'Orient (Dardanelles), puis du Levant (Anciens territoire turcs, e.g. Palestine), enfin, s'opère un nouveau brassage ayant pour objet de remettre sur pied, dans leurs anciennes garnisons, des régiments organiques disparus en 1914 ce qui ne simplifie pas les choses.

Au cours de la grande guerre la Tunisie fournit quant à elle près de 58000 combattants (ainsi que 14000 travailleurs). Les régiments exclusivement tunisiens furent le 4e de marche, affecté à la division marocaine, ainsi que le 8e de marche qui devait devenir 4e mixte de zouaves et tirailleurs. A l'armistice, il y avait des bataillons de Tunisiens sur tous les théâtres d'opérations : France, Maroc, Sud-Tunisien, Orient, Constantinople et Syrie. On comptait alors dix-sept bataillons au 4e et 13 au 8e tirailleurs, répartis entre des régiments de marche, ou parfois autonomes. Les 16e, 24e et 28e R.T.T. avaient vu le jour, les troupes de Tunisie ayant le chiffre 4 et multiple de 4 pour leurs formations.

On constitua aussi quatre régiments mixtes de zouaves et de tirailleurs (RMZT) au cours du conflit.

Le 7° régiment de tirailleurs algériens, division marocaine, en 1917

La division marocaine défile devant son chef  à Mareuil-Lamotte le 5 septembre 1916: à gauche un détachement du RMLE, au centre un du 4° tirailleurs, à droite un du 7°

Division marocaine défilant

Pour les troupes marocaines, on constitua en août 1914 deux Régiment de chasseurs indigènes, qui forment le 25 août 1914 une Brigade de chasseurs indigènes (Brigade marocaine) aux ordres du général Ditte. La brigade est à la disposition de la 45°DI à partir du 8 septembre 1914. Le 23 septembre 1914 la brigade décimée au cours de la bataille de la Marne est dissoute et avec les survivants un Régiment de marche de chasseurs indigènes est formé. Le premier janvier 1915 le régiment devient le Régiment de Marche de Tirailleurs Marocains (R.M.T.M). Au printemps 1917 le R.M.T.M est affecté à la 153° division. En mars 1918  le R.M.T.M devient le 1er RMTM lorsque un deuxième régiment, le 2° RMTM, est créé.

La légion étrangère participera bien sûr elle aussi à la grande guerre. Dès le début de celle-ci des milliers d'étrangers, présents en métropole ou dans les colonies, rejoignent les rangs de la Légion, afin de prouver leur attachement et leur reconnaissance à la France. Au total ce sont 42.900 volontaires qui forment les 5 régiments de marche, où servent en majorité des Russes, des Italiens, des Suisses, des Belges et des Britanniques. Suite aux nombreuses pertes subies par ces unités et au retour de la plupart de ces premiers engagés dans leurs pays d'origine, le commandement décide en novembre 1915 la création du régiment de marche de la légion étrangère (RMLE). Le RMLE sera le régiment le plus décoré de France avec le régiment d'infanterie coloniale du Maroc (RICM). 

La Légion fournit en outre un bataillon qui, amalgamé avec deux autres bataillons de zouaves et de tirailleurs algériens, constitue le RMA, Régiment de Marche d'Algérie, qui combat à Gallipoli en 1915, et rejoindra l'armée d'Orient sur le front de Salonique (1916-1918).

Il ne rentre bien sur pas dans les prérogatives de ce site généraliste de rentrer dans tous les détails de ce sujet trés complexe.

Prisonniers allemands encadrés par des spahis algèriens:


Spahis et artilleurs à Compiègne:

Chasseurs d'Afrique sur la ligne de feu - Le miroir 29 novembre 1914:

Tirailleurs marocains et zouaves au cantonnement:

Tirailleurs marocains et zouaves au cantonnement

Spahis marocains au cantonnement:

Spahis marocains au cantonnement


Sources: Les soldats des colonies - Chantal Antier-Renaud - Christian Le Corre - Ouest France - 2008
Pour en finir avec la repentance coloniale - Daniel Lefeuvre - Champs actuel - 2008