L'INFANTERIE FRANÇAISE - LE TROUPIER

Au lendemain des jours de deuil, c'est dans l'uniforme traditionnel que nous avons enveloppé l'armée de la République et toutes les espérances que nous avons fondées en elle - Député Clémentel - 1911

<= L'armée française de l'été 14


L'uniforme de l'infanterie française n'avait pratiquement pas évolué depuis 1867 (second empire), et nos soldats, partirent en guerre, durant l'été 1914, habillés à peu prés comme leurs ainés de 1870, malgrés de nombreuses tentatives d'adoption d'uniformes aux couleurs plus ternes. Le soldat était trop voyant et aussi quelque peu empétré (l'uniforme était peu pratique, et l'équipement de marche pesait prés de 30kg). Le seul ordre de réforme interviendra le 27 juillet 1914, quelques jours avant la déclaration de guerre, mais il sera bien sur trop tard pour l'appliquer avant les premières hostilités.

Infanterie de la ligne


Evolution:

Coiffures des années 1871-1880: de gauche à droite képi modèle 1867, shako modèle 1872, képi modèle 1873. Au début des années 1870 l'armée de la république en revient provisoirement à la tunique et au shako en tenue de campagne

Coiffures des années 1871-1880-

Principaux effets d'habillement des années 1871-1880: 1 Képi modèle 1873 - 2 Capote modèle 1867 portée jusqu'en 1877 - 3 Capote modèle 1877 -  4 Cravate - 5 Veste - 6 Tunique modèle 1867 - 7 Epaulette - 8 Guêtre en toile - 9 Guêtre en cuir - 10 Pantalon modèle 1867, il restera quasi inchangé jusqu'en 1914 - En 1876 une circulaire retire les épaulettes de la tenue de campagne, elles ne sont plus portées qu'en tenue de jour ou en grande tenue

Effets d'habillement des années 1871-1880

Equipements en campagne vers 1871-75:

Equipement vers 1871-75    

Equipements en campagne vers 1879:

Equipement vers 1879

Fantassins années 1870-80

Képis modèle 1873 (à gauche) et 1884 (à droite): En 1884 le schako est supprimé. Le képi modèle 1884 sera porté jusqu'à la grande guerre

Képi modèle 1873 et 1884

En 1881 le soulier et la guêtre deviennent des "chassures de repos" et sont remplacés en campagne par le brodequin napolitain. Les jambières en cuir noir seront adoptées ultérieurement. 

De haut en bas: cartouchières modèle 1877, 1882, 1884 et 1888 

Cartouchières modèles 1877, 1882, 1884 et 1888

Exercice de tir manoeuvres de 1885


L'uniforme de campagne à l'entrée en guerre: 

   

Capote modèle 1877: elle est en laine gris de fer bleuté (90% de laine bleu foncé et 10% de laine crue), et se ferme par deux rangées de six boutons en cuivre demi-bombés modèle 1871 frappés d'une grenade, symbole de l'infanterie. Les manches sont fendues et se ferment par un bouton. Le dos ne porte pas de fente et dispose de deux martingales. Le collet est droit et se ferme par un crochet métallique. les pattes de collet sont couleur garance et portent le numèro du régiment. Aux épaules des pattes à rouleaux modèle 1908 servent à retenir les bretelles du fusil et de l'équipement. Les plis peuvent être attachés par deux boutons ou être portés relachés. Dans la poche intérieure de la capote était placé le paquet de pansements individuels. 

Pattes de collet active et réserve (à gauche) et territoriale (droite):

Bouton modèle 1871:

Indication des grades: portés sur les manches de la capote

Insignes de spécialités: ils sont portés au bras gauche, à égale distance entre le coude et l'épaule. Seul les tambours et clairons portent un insigne tricolore au col de leur capotes 

sapeur, prix de tir, clairon:

   

Musicien, maître armurier, cycliste, télégraphistes:

Insigne de spécialité musicien     Insigne de spécialité - maître armurier     Insigne de spécialité - cycliste     Insigne de spécialité - télégraphistes

Prix de tir spécial: Attribué aux sous-officiers, caporaux et soldats ayant obtenu le prix de tir deux années de suite

Insigne de spécialité - prix de tir spécial

Brassard de brancardiers: Il s'agit d'une croix de Malte en drap blanc cousue en oblique sur un brassard en drap bleu-foncé - cet insigne ne confèrant pas la neutralité était porté par les hommes affectés à la musique en temps de paix

Brassard de brancardier

Cravate: c'est un rectangle de coton bleu marine d'environ 1,5m sur 21cm qui se porte sous le col de capotte afin d'éviter les frottements et le protéger de la sueur. Elle est nouée par un simple noeud plat.

Galons: Ils se trouvent en bas des manches de la capote ou de la vareuse d'officier.

Pantalon garance modèle 1867: Le rouge garance a été adopté en 1829, sous Charles X, pour deux raisons: l'une de favoriser la culture française de la garance (qui sera ruinée plus tard quand on sut produire l'alizarine par synthèse, fin XIX°), l'autre d'avoir une couleur moins salissante que le blanc. Avec le temps il devint même l'emblème du troupier français, comme le casque à pointe pour les allemands ou la tunique écarlate pour les anglais. Il est de coupe droite, possède deux poches de chaques cotés et une poche de gousset sur le coté droit, une martingale permet d'ajuster la taille. Une doublure dans le bas du pantalon permet de limiter l'usure dû au frottement avec les guêtres. On le fixe par des bretelles, la ceinture n'étant pas employée. 

Haut du pantalon avec cachet officiel à l'encre noire indélébile et bouton:

Linge de corps: Une chemise, un caleçon et une ceinture de flanelle se portent sur l'homme. Une chemise de rechange se trouve dans le havresec (la chemise était en effet censé se porter contre les parties génitales, le caleçon sur la chemise). La chemise et le caleçon peuvent être en flanelle de coton pour l'hiver ou en cretonne de coton pour l'été. 

Képi modèle 1884: il existe en trois tailles (140, 145 ou 150mm  de diamètre), fait 90mm de hauteur devant et 150 derrière, tandis que le bandeau bleu foncé fait 40mm de haut. Un passepoil bleu est présent sur toutes les coutures, la visière arrondie ainsi que la jugulaires sont en cuir noir, l'aération est assurée par deux petites sphères métalliques percées de sept petits trous disposées de part et d'autre du képi. A hauteur du front se trouve le numèro du régiment inscrit en drap rouge garance. 

Couvre-képi modèle 1902: Ce couvre képi, composé d'un manchon couvrant le képi et d'un couvre nuque, utilisé en campagne, sert d'élément de camouflage. En 1913 un nouveau modèle quasi identique à l'ancien est confectionné dans un cretonne de couleur bleu.

Vareuse: il existe une vareuse modèle 1870 mais celle-ci ne fait pas partie de la tenue de combat. De drap gris de fer bleuté assez fin, doublée intérieurement, elle se ferme par neuf petits boutons. Trés courte (on l'appelle le tape-cul ou le juste-au-corps) elle se porte généralement en caserne ou au cantonnement (habit de repos en quelque sorte).

Jambières modèle 1887 : Elles sont en cuir noir et se ferment par devant par un lacet de cuir. Elles ont subi deux modifications depuis 1897. En 1912 une fente est ajoutée sur l'arrière au centre pour mieux s'ajuster aux brodequins. En 1913 le mode de fermeture est modifié: un coté est désormais composé de haut en bas de un oeillet, deux crochets et deux oeillets, l'autre de trois crochet et un oeillet.

Ceinturon modèle 1845: En cuir noir de 53mm de large, un coté a une grosse plaque de cuivre (60x67mm), l'autre un anneau venant se crocheter dans un crochet plat soudé sous la plaque de cuivre. Il doit être porté au dessus des courroies du bidon et de la musette. On ajuste la longeur en faisant coulisser le cuir sous l'attache de la boucle. Le surplus de cuir est ensuite maintenu plaqué grâce à un montant mobile (i.e. la boucle n'est pas solidaire du ceinturon et donc on doit la démonter avant de monter l'équipement!). Il sera remplacé par le modèle 1903, qui a une boucle en cuivre à deux ardillons, mais à la mobilisation le modèle 1845 est largement le plus courant et mettra du temps avant d'être totalement remplacé.

Brodequins modèles 1912: Ils possèdent une épaisse semelle cloutée. Leur défaut est de ne pas être assez étanche.

Cartouchières modèle 1888: Le soldat a deux cartouchières ventrales et une dorsale. Elles sont fixées au ceinturon par deux passants en cuir et aux bretelles de suspension par un crochet métallique. Chacune peut contenir 4 paquets de huit cartouches, mais la cartouchière dorsale n'en reçoit que trois (chaque soldat a donc 88 cartouches sur lui). En 1905 une modification est apportée: au lieu des deux boucles on a un triangle de cuir plus large pour pouvoir laisser passer la boucle du ceinturon modèle 1845. 

Baïonnette: elle est portée du coté gauche grâce à un porte épée-baïonnette. La patte de drap de la capote, coté gauche, s'insert dans le porte épée et l'empêche de tourner. 

Fusil lebel: porté du coté droit

Bidon en métal: il est porté du coté droit pour éviter qu'il ne s'entrechoque avec la baïonnette, le bouchon doit effleurer le bord inférieur du ceinturon. 

Musette: celle-ci est portée du coté gauche et contient les vivres du jour et les accessoires personnels dont le soldat a besoin (tabac, affaires de toilettes, etc.), et notamment le quart et la cuiller. La banderolle doit être ajustée de manière que le bord de l'étui-musette se trouve à deux doigts au dessus de la croisière de l'épée baïonnette

Havresac, dit sac as de carreau ou azor, modèle 1893: composé de toile cirée de couleur sombre, un cadre en bois recouvert de gaz lui donne sa rigidité. Ses bretelles et ses sangles de maintien sont en cuir noir. La gamelle individuelle trône toujours sur le haut du sac, et penchée pour permettre le tir couché. A l'intérieur du sac on trouve  les vêtements de rechanges et les menus effets, ainsi que les vivres de réserve. On place à l'extérieur, le coté ou le dessus, la couverture, la toile de tente, une seconde paire de chaussures, les outils individuels, un ou plusieurs ustensiles de campement collectifs, un seau à eau en toile, une gamelle individuelle, etc. Plusieurs courroies permettaient de maintenir le tout:

Entièrement chargé le sac pouvait peser de 20 à 25kg. On peut dire que nos soldats avaient leur maison sur le dos. 

  

   

Plaque d'identité: Le soldat la porte au cou. Le recto contient le nom et le prénom ainsi que le millésime de la classe. Au verso on trouve la subdivision de région et le numéro du registre matricule de recrutement. 


Au début de la guerre fantassins en patrouille avec équipement complet:


Effets individuels emportés :

NB: les cubes de fonte permettaient de remplir les cartouchières et le havresac lors d'exercices, donc n'étaient pas employés en campagne!


Ustensiles de campements: 

Abri-tente individuel:

Lanterne Maujardet modèle 1910:

Ci-dessous, moulin à café, sacs de toile, marmites:


Cuisine aux grandes manoeuvres: (la roulante n'apparaitra que lors de la grande guerre!)


Outils portatifs: ceux-ci ont des étuis permettant de les fixer au sac ou éventuellement au ceinturon. 


Outre les outils portatifs que les hommes avaient sur eux, modèles assez réduits pour ne pas encombrer mais d'un rendement assez faible, on trouve des outils plus grands, analogues à ceux du gènie, transportés sur des voitures ou des animaux de bât.

Pelle Bêche modèle 1879:

Cisaille Peugeot:

Scie:

Serpe:

Pic à tête:




Et voici à quoi ressemblaient nos futurs ennemis:



Pour comparaison, voici à quoi ressemblait un lignard de la guerre de 1870 (à droite) et un lignard de la monarchie de Juillet (à gauche):

         


Sources: L'infanterie en un volume, Manuel d'instruction militaire - Librairie Chapelot - 1914
Uniformes n°65 66 70 de janvier-février mars-avril et novembre-décembre 1982
Site Les français à verdun 1916