PARIS BOMBARDÉE!
Quelques minutes aprés nous filions dans la direction de Paris.... Des Spads évoluaient à toutes hauteurs et nul allemand ne paraissait! Pourtant les parisiens restaient terrés et les sans fils annonçaient, à intervalles réguliers, la chute d'un projectile... L'aprés-midi, un message téléphonique annonçait que Paris avait été bombardée par canon, et chacun de rire tant la nouvelle paraissait invraisemblable... Il fallut pourtant admettre bientôt son existence et beaucoup de sceptiques de la première heure furent parmi les plus ardents protagonistes - Capitaine Fonck - Mes Combats - Chapitre XXIX Paris bombardée
Les allemands avaient en effet créé un canon capable de bombarder Paris à 120km de distance. Décidée en 1916, la mise au point du canon par la direction de l'artillerie navale (qui s'occupait des canons de gros calibres utilisés sur le front) et les ingénieurs de Krupp se fit dans un secret absolu. Dabord baptisé Wilhelm Geschutz (canon de Guillaume), puis parfois le Long Max, les parisiens le batisèrent Grosse Bertha, dénomination qui est restée (en fait la Grosse Bertha était un obusier lourd de 420mm appellé ainsi en référence à la fille aînée de Krupp).
Combiné à une offensive allemande, ces coups devaient démontrer la puissance du Reich et démoraliser les civils à l'arrière.
Titre du petit journal du 24 mars 1918 annonçant la nouvelle:
En cours de montage dans les ateliers de Krupp:
Avec une telle charge de poudre, l'usure du canon était trés rapide, et les ingénieurs avaient calculés que chaque pièce pouvait tirer 65 coups, aprés quoi le canon devait être rechemisé. On eut alors l'idée de numéroter les obus et d'accroitre progressivement leur poids, le dernier pesant 15kg de plus que le premier.
Les obus étaient de calibre 210 et contenaient une charge de 7kg d'explosifs. Avec les canons rechemisés, les obus étaient de calibre 240 et contenaient une charge explosive de 8,66kg.
Le canon était acheminé par chemin de fer. Seul le tube lisse était démonté et transporté séparément. L'affut de transport à 18 essieux d'un seul tenant pesait à lui seul 256 tonnes. A l'arrivée, cet affut de transport prenait appui sur une plateforme fixe, amenée sur place en six éléments, et qui comportait une plaque tournante sur roulement à bille. Un portique démontable qui se déplaçait sur deux voies parallèles à la voie principale permettait de visser le canon de 210 lisse. Le tout était placé sur de solides fondations en béton.
Le 24 mars les obus tombérent de nouveau, mais à une cadence plus rapide, laissant penser qu'il y avait vraisemblablement deux canons. Le 25 six obus furent tirés. Le vendredi 29 (vendredi saint) seul un des quatre obus tirés atteignit Paris intra-muros, mais tuant 75 personnes et en blessant 90 autres dans l'église Saint-Gervais.
Favorisés par le mauvais temps, qui clouait les avions observateurs au sol, les bombardements continuèrent tout le mois d'avril. Ils se turent tout le mois de mai, mais le 27, pour la nouvelle offensive Ludendorff, quinze obus tombèrent. L'artillerie française, qui avait bombardé le site de la Bertha, resta stupéfaite. Un autre site avait été choisi, le bois de Corbie prés de Beaumont en Beine, à 110km de Paris. La canon avait été rechemisé et tirait désormais du 240.
Cinq semaines s'écoulèrent. Le canon fut déplacé au bois de Châtel, à 93km seulement de Paris. Les allemands avaientréalisé en effet de gros progrés dans l'art de construire les plateformes. Le canon tonna les quinze et seize juillet, mais dû évacuer suite aux pressions de l'artillerie française. Revenu sur ses positions initiales, le canon tira de nouveau le 5 août, pour cinq jours de bombardements. Menacé par la contre-offensive française, les derniers tirs eurent lieu le 9 août.
Eclats d'obus retrouvés: surface extérieure rayée (gauche), épaisseur et partie de surface intérieure lisse (droite) - L'illustration 30 mars 1918
Tentative de reconstitution de la trajectoire de l'obus ainsi que de sa constitution (grâce aux fragments retrouvés) - L'illustration 6 avril 1918
Un immeuble parisien en feu suite au bombardement:
Rue Drouot - Avenue de la grande armée - Rue de Ménilmontant
Le vendredi saint: S.E. le cardinal Amette, accouru de Notre-Dame où il officiait, fait le signe de croix sur les innocentes victimes du criminel bombardement - L'illustration 6 avril 1918
Ancien emplacement du super-canon: